Le Syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes

Le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes (thyroid hormone resistance syndrome des anglo-saxons), encore appelé syndrome de Refetoff, du nom du médecin qui l’a découvert et décrit pour la première fois, affecte un individu sur 50000 environ.

De quoi s’agit-il ?

Le fonctionnement de la glande thyroïde est réglé par une hormone, la TSH, qui est fabriquée par la glande hypophyse. La TSH stimule (active) le fonctionnement et la croissance de la glande thyroïde. La glande thyroïde fabrique alors les hormones thyroïdiennes, la thyroxine (T4) et la triiodiothyronine (T3) qui sont libérées dans la circulation sanguine. Lorsque la quantité de T4 et de T3 circulant dans le sang dépasse la quantité dont l’organisme a besoin, la glande hypophyse cesse de libérer de la TSH. La stimulation de la glande thyroïde diminue et la production de T4 et de T3 diminue. Lorsque la quantité de T4 et de T3 est inférieure à la quantité dont l’organisme a besoin, la glande hypophyse fabrique et libère plus de TSH et la stimulation de la glande thyroïde redémarre.

C’est ce qu’on appelle la boucle de rétro-contrôle, ou boucle de régulation hypophysothyroïdienne (figure 1). C’est le principe du thermostat : la glande hypophyse c’est le thermostat qui mesure la température ambiante (la quantité d’hormones thyroïdiennes) et qui donne le signal à la chaudière (la glande thyroïde) de fonctionner plus fort ou moins fort selon les besoins.

 

Figure 1 : la boucle de régulation de la fonction thyroïdienne

 

Dans le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes, le thermostat est réglé sur une température plus élevée. C’est-à-dire que le signal de démarrage de la glande thyroïde est donné plus tôt, lorsque la quantité d’hormones thyroïdiennes est encore suffisante, et il n’est éteint que plus tard lorsque la quantité d’hormones thyroïdiennes est plus élevée que la quantité nécessaire.

Pourquoi l’organisme n’est pas en surchauffe ?

L’ensemble des organes du patient est réglé pour fonctionner avec une quantité d’hormones thyroïdiennes plus élevée que le sujet normal. En réalité, certains organes supportent moins bien que les autres la quantité excessive d’hormones thyroïdiennes et on a donc quelques signes d’hyperthyroïdie (caractérisant l’excès d’hormones thyroïdiennes dans le sang).

Comment fait-on le diagnostic ?

Si l’on mesure les hormones thyroïdiennes (T4 et T3) d’un patient avec un syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes on trouve une valeur qui parait trop élevée par comparaison à la population générale, mais cette valeur est bien adaptée pour le patient.

Lorsqu’on mesure la TSH, elle est « normale » par comparaison à la population générale, ce qui traduit la bonne adaptation de l’organisme au niveau élevé de T4 et de T3 (le thermostat fonctionne bien, il est seulement réglé pour une température plus élevée).

Les examens biologiques montrent donc une élévation de la T4 et de la T3 et une TSH anormalement normale.

Comment ça se manifeste ?

Quelques signes d’hyperthyroïdie peuvent donc apparaître: palpitations souvent (ou lors d’efforts physiques), nervosité, une tendance à la diarrhée, à la transpiration. Il existe assez souvent une augmentation du volume de la glande thyroïde qu’on appelle un goitre.

Chez les enfants, il y un peu plus d’otites et il peut y avoir une baisse de l’audition. Il peut y avoir de la nervosité, des difficultés de concentration, parfois un syndrome d’hyperactivité trouble de l’attention. Ceci, en plus de la baisse d’audition peut aboutir à des difficultés scolaires, et plus tard à des difficultés professionnelles et d’insertion sociale.

La croissance est parfois ralentie, mais la taille finale est globalement normale. La minéralisation des os peut être en retard, mais parfois en avance pendant l’enfance.

Tous ces signes peuvent être absents, et c’est sur un examen de biologie systématique que l’on évoque le diagnostic. Ils peuvent être plus ou moins importants au cours du temps, ou entre deux patients. Parfois, certains signes vont devenir plus sévères et conduire à des complications, comme un trouble du rythme cardiaque ou une ostéoporose.

Quelle est la cause de ce syndrome ?

Dans 80 à 85 % des cas, il s’agit d’une particularité familiale, héréditaire.

La cause de la résistance partielle, aussi bien de la glande hypophyse (le thermostat) que des autres organes est une mutation d’un des gènes de récepteur aux hormones thyroïdiennes.

Si l’on compare l’hormone thyroïdienne a une clé de contact qui permet de donner un signal de démarrage, il faut imaginer une serrure qui ne reconnaît que cette clé, et permet le démarrage du moteur et de la plupart des fonctions d’une voiture. Le récepteur de l’hormone thyroïdienne, c’est la serrure. Dans le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes, la serrure est défectueuse (elle est mutée), il faut forcer un peu (mettre plus d’hormones) pour obtenir le démarrage.

Nous possédons tous deux copies du gène de récepteur des hormones thyroïdiennes impliqué dans le syndrome. Il suffit d’une copie mutée (malade) pour avoir le syndrome. On dit que le patient est hétérozygote pour la mutation. C’est pour cela que la maladie est dominante et qu’elle se transmet de génération en génération (transmission verticale, figure 2) sans qu’il soit nécessaire que les deux parents soient porteurs. Le syndrome affecte aussi bien les filles que les garçons car le gène muté ne se situe pas sur les chromosomes sexuels X ou Y. C’est donc une maladie autosomique dominante.

 

Figure 2 : Transmission verticale, sur trois générations, d’une maladie autosomique dominante

WT= gène normal; M= gène muté. Les sujets porteurs d’une copie du gène muté et d’une copie du gène normal (WT/M) développent la maladie, les sujets porteurs des deux copies normales (WT/WT) ne développent pas la maladie. Les carrés représentent les individus de sexe masculin, les ronds les individus de sexe féminin. Les symboles blancs sont des sujets indemnes, les symboles noirs représentent les individus malades.

Comment recherche-t-on cette mutation ?

Il suffit d’une prise de sang à partir de laquelle on extrait l’ADN qui permet de lire la partie du code génétique de l’individu qui contient le gène du récepteur des hormones thyroïdiennes. Au préalable on doit informer le patient, et recueillir son consentement signé, ou celui des ses parents ou représentants légaux, s’il n’est pas majeur.

Pourquoi ne trouve-t-on pas toujours de mutation ?

Pour 10 à 15 % des cas, on ne connaît pas la cause du syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes. Les recherches se poursuivent pour savoir s’il s’agit d’un autre type de récepteur, d’une molécule auxiliaire du récepteur, d’un système de transport des hormones thyroïdiennes, ….Il existe d’autres syndromes ou maladies proches du syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes où ces mécanismes sont impliqués.

Y a-t-il un traitement ?

La plupart du temps, l’organisme a trouvé son propre équilibre. Il est important de respecter cet équilibre personnel sans chercher à modifier la quantité d’hormones thyroïdiennes circulantes. On doit éviter au maximum, d’opérer le patient pour enlever son goitre. De la même façon, il est important d’éviter autant que possible, tout ce qui peut perturber le fonctionnement de la glande thyroïde et notamment certains médicaments comme la Cordarone®.

On est amené à traiter les symptômes dont se plaint le patient. Par exemple, les palpitations peuvent être gênantes et nécessiter un  traitement spécifique. On peut donner un traitement contre la diarrhée, contre l’ostéoporose, contre les troubles du rythme cardiaque, ….

Mais il n’y a, à ce jour pas de traitement spécifique du syndrome.

Quelles sont les voies de recherche ?

Au-delà du diagnostic génétique et moléculaire et de l’aide à la prise en charge proposée aux praticiens, le centre de référence s’intéresse particulièrement aux cas de syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes où l’on ne trouve pas de mutation du récepteur des hormones thyroïdiennes pour tenter d’en comprendre les mécanismes.

Un registre national est tenu avec une banque de données, pour poursuivre la description du syndrome et la fréquence des différents symptômes.

Un aspect encore mal connu est le déroulement des grossesses chez les femmes atteintes du syndrome. Il est important de surveiller attentivement ces grossesses, pour collecter le maximum d’informations et optimiser la prise en charge. Le Centre de référence mène une enquête nationale sur ce sujet.